La fermentation
La fermentation est le processus au cours duquel le jus devient vin. Ce sont les levures qui sont les ouvrières de la véritable usine qui constitue le moût en fermentation.
Essentiellement, les levures se nourrissent de sucre et excrètent de l'alcool (dans de bonnes conditions, 1 kg de sucre est transformé en 0.6 L d'alcool pur).
Outre l'alcool éthylique (éthanol), les levures fabriquent, en moindre quantité, de nombreuses autres substances qui vont contribuer au bouquet du vin : d'autres alcools (principalement le glycérol dont la présence, très souhaitable, donnera du moelleux au vin). Les vins contiennent aussi un peu de méthanol [ Le méthanol, très toxique, est toujours présent, en faible quantité dans un vin. Contrairement à ce que l'on pense souvent, il ne se forme pas au cours de la fermentation, mais dans le moût, bien avant que ne démarre la fermentation, par hydrolyse de la pectine des fruits grâce à une enzyme : la pectine méthylestérase présente dans les fruits. Les fruits très mûrs contiennent déjà du méthanol (ainsi que de l'éthanol). ] .
Autrefois, la fermentation se déroulait spontanément grâce à l'intervention de levures sauvages présentes à la surface des fruits. Le processus était aléatoire et de mauvaises surprises étaient fréquentes car, sur la peau des fruits, on trouve beaucoup de variétés de levures et de bactéries souvent défavorables à la fermentation des vins. Il s'ensuivait diverses "maladies du vin", des productions de substances désagréables ou même toxiques.
Depuis quelques décennies, le génie humain a réussi à sélectionner diverses souches de levure intéressantes à divers titres :
- les levures sauvages sont intoxiquées par de faibles concentrations en alcool, leur métabolisme produit des substances indésirables en trop grande quantité ;
- les levures sélectionnées résistent à des concentrations d'alcool relativement élevées (jusqu'à plus de 18 % vol pour certaines souches) ;
- leur métabolisme produit des substances aromatiques agréables en plus grande quantité ;
- elles supportent des concentrations en SO2 relativement élevées ;
- il en existe de nombreuses races, au métabolisme varié, permettant, par un choix judicieux, d'orienter la fermentation vers un type de vin ou un autre, selon le résultat que l'on souhaite.
La fermentation spontanée est donc maintenant abandonnée au profit du levurage qui présente des avantages innombrables. Le choix des levures est essentiel.
Outre le choix des levures, d'autres facteurs peuvent influencer favorablement la fermentation afin d'obtenir un vin réussi. Les levures doivent être très bien nourries. Outre les sels nutritifs, on a remarqué que certaines substances influençaient favorablement la fermentation. Ainsi, l'adjonction de 20 mg/L d'acides gras insaturés [ Dans un récipient de pyrex (jamais d'aluminium !), préparer une solution de 100 mL d'eau contenant 20 g de potasse caustique (KOH). Porter à ébullition légère et ajouter peu à peu en agitant 100 mL (90 g) d'huile de soja. Continuer à chauffer 1/2 heure en agitant. Ajouter 15 mL d'alcool, mélanger et, quand la masse est homogène, de l'eau jusqu'à 430 mL (=86 g d'acides, 0.2 g/mL).
Ajouter 1 mL pour 10 litres de jus. ] stimule la fermentation. L'ergostérol, 5 mg/L dissous dans ces acides gras stimule aussi la fermentation. Tous ces produits sont tout à fait naturels (des vitamines).
Depuis l'avènement des levures lyophilisées de haute qualité (Vinoform, Kitzinger), l'ère du pied de cuve est révolue. Il suffit de délayer les levures dans 10 fois leur volume d'eau sucrée (5 %) tiède (30-35° C), de les laisser se réhydrater 1/4 d'heure et de les ajouter au moût. On obtient un départ rapide de la fermentation.
Doses moyennes :
- Saccharomyces cerevisiae cerevisiae : 2-3 g/10 L ;
- Saccharomyces cerevisiae ellipsoideus : 1.5-2 g/10 L ;
- Saccharomyces bayanus : 2-4 g/10 L.
Il ne faut pas oublier d'obturer le récipient à l'aide d'un barboteur [ Soupape à eau permettant la sortie de CO2 mais empêchant l'entrée d'air. Il est préférable de le remplir d'un mélange à parts égales d'eau et de glycérol. ] rempli d'eau et de glycérol (le glycérol ne s'évapore pas).
Selon la souche de levures, les conditions de culture, la température, la fermentation peut démarrer entre de 1-3 heures après le levurage jusqu'à 2-3 jours (phase de latence). Durant ce temps, les cellules se multiplient et consomment l'oxygène du moût (respiration).
La première phase de fermentation, dite "phase tumultueuse", se caractérise par un dégagement violent de CO2 et un échauffement du moût. Elle dure de quelques jours à 15-20 jours selon les conditions. Durant ce temps, la majorité du sucre est transformé en alcool. D'un jour à l'autre, la production de CO2 diminue et se poursuit lentement : c'est la fermentation lente. Elle est brève pour les vins secs peu alcoolisés et longue pour les vins doux alcoolisés. Cette phase est sensible aux conditions défavorables, la température doit demeurer stable.
Les levures et débris végétaux sédimentent. C'est lorsque la phase tumultueuse s'arrête qu'il faut ajouter le sucre éventuel. À la fin de la fermentation, introduire dans le barboteur une pincée de métabisulfite de sodium. Lorsqu'il ne s'échappe plus de CO2, secouer la tourie. Si le barboteur reste muet pendant 2 jours, la fermentation est terminée. Dès à présent, le vin sera bon ou mauvais selon le soin qu'on y aura consacré.
Certains facteurs influencent favorablement la production d'arômes dans le vin. Outre le choix de la souche de levures, citons : une température basse est favorable au développement de l'arôme. De même qu'une fermentation sous pression ; celle-ci peut être obtenue en fermentant dans un baril à pression avec soupape ou en utilisant un type de barboteur composé de deux cylindres emboîtés. Le dépôt d'un poids (pièces de monnaie...) sur le cylindre supérieur mobile créera de la pression dans la cuve de fermentation.
Un deuxième type de fermentation peut intervenir plus tard (parfois plusieurs mois plus tard) : la fermentation malolactique.